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3 febbraio 2009

Le texte ci-après a été publié au printemps dernier sur le numéro 69 de notre journal. Bien que « daté » par rapport aux derniers événements, nous croyons qu'il reste tout à fait actuel pour développer le thème de la crise financière en cours d'un point de vue de classe. Entre-temps nous sommes en train de préparer une analyse plus ample et plus profonde du cours du capitalisme international, des politiques avec lesquelles les bourgeoisies des pays impérialistes et des « pays émergents » envisagent affronter la tempête, des perspectives de l’affrontement de classe et des tâches qui reviennent aux prolétaires militants en Occident et dans le reste du monde.   

D’après  « Che Fare » n.69 avril - mai 2008    

La crise des crédits aux États Unis annonce

un ouragan économique, social et politique mondial

 

Les travailleurs regardent avec une appréhension croissante aux nuages noirs que la crise des crédits a accumulé sur l'économie mondiale. Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qu'il va arriver?  La faute est-elle entièrement à la "nouvelle finance?

 

Dans ces mois la grande presse continue à diffuser une explication des origines de cette crise qui serait peu dire superficielle. A son avis, à la base des turbulences actuelles il y aurait les « petits monstres » de la « finance créative », coupables d'avoir inventé de nouveaux produits financiers, les soi-disant dérivés ou structurés, c’est-à-dire des paquets à haut profit immédiat, incluant des actions, des obligations, des opérations de crédits à la consommation, des emprunts, etc., une chose « étrange », dont le contenu reste inconnu soit à l'acheteur commun (le mythique épargnant), soit aux acheteurs institutionnels (banques, fonds d'investissement, sociétés d’assurance, etc.). Et alors voilà des invectives contre ces spéculateurs sans scrupules, les vendeurs de pacotilles, les canailles, affamés de profits à bref délai, cachant les risques et les pertes qui auraient pollué la « bonne » finance, celle qui vise par contre à la longue période, qui serait bien plus transparente et rationnelle, sinon pourvue de scrupules moraux.     

Dommage, cependant, que derrière les canailles susdites - o.k., ce mot est juste – il n’est pas difficile d'apercevoir les plus grands acteurs de la « bonne » finance. C'est-à-dire précisément les grandes banques, impliquées dans les transactions les plus téméraires et les opérations « hors balance » les plus grandes, les mêmes sociétés d’assurance, les grandes sociétés d’intermédiation (rien moins que « petits monstres »), les insoupçonnables agences de rating, (en vérité bien susceptibles de suspect), les Bourses, les banques centrales qui ont fermés non un œil mais les deux yeux sur des commerces semblables et même encouragé la naissance et la montée irrésistible de nouveaux opérateurs financiers comme les Hedge funds et les Private Equity par l'octroi d’argent à bas coût. Même Krugman et Stiglitz ont reconnu récemment cela: derrière le dérégulation financière des dernières deux, trois décennies il y a Wall Street et la Federal Reserve de Greenspan, c'est-à-dire les deux plus grandes autorités et puissances institutionnelles du capitalisme financier mondial. Ce sont eux, et les autres institutions analogues, à avoir permis et favorisé la naissance de ce « système-ombre bancaire » et de ce "unfettered finance", finance sans liens, à qui maintenant on attribue la responsabilité de toute cette catastrophe.  

Que l’on ne vienne pas à raconter, donc, l'histoire des mauvais loups, venus de qui sait d'où à troubler l'idylle de la forêt enchantée du marché. L'activité financière est une partie fondamentale et intégrante du processus de production et d'accumulation capitaliste, dès son apparition. Elle est son élément constitutif. Sa fonction organique est de faire le possible et l'impossible, par tous les moyens, pour administrer le capital "d'autrui", le capital "social", de la manière la plus profitable pour les capitalistes particuliers et pour le système du capital. Il n’y a pas de capitalisme sans crédit, sans banque, sans finance. Et il n’y a pas de crédit, banque et finance sans des instruments spéculatifs de toute sorte. Déjà il y a 150 ans, dans l'Angleterre de son temps, Marx voyait à l'oeuvre une « nouvelle aristocratie financière » formée par des individus spécialisés dans la mise au point de projets finalisés à s'approprier de la "plus-value" d'autrui à travers « tout un système de fraudes et d'enchevêtrements qui a pour objet la fondation de sociétés, l'émission et le commerce d'actions ». Enfin des « véritables cavaliers d'aventure », des magiciens du « jeu de Bourse où les petits poissons sont dévorés par les requins et les moutons par les loups ». Et loin de présenter ceux-ci comme des trouble-fête du capitalisme, il remarquait que leur activité, qu’elle fût ou non couronnée par le succès individuel, produisait un résultat de toute façon vital pour le capitalisme en tant que ordre économique-social : centraliser le capital en peu de mains, peu importe si vieilles ou nouvelles, en expropriant les producteurs directs, aussi bien que les capitalistes petits et moyens (voir le cap. 27 du Livre III de Le capital).   

  Ce qui est en train d'arriver à partir de la crise des crédits sub-prime des Etats Unis, donc, ne constitue absolument pas une pathologie récente de la globalisation néo-libériste déréglée, par conséquent éliminable par une nouvelle régulation des activités financières. Cela appartient par contre à la physiologie du capitalisme. Une physiologie dans laquelle depuis ses origines il est difficile distinguer les affaires « saines », relatives à des capitaux réellement existants, de la « spéculation » concernant les capitaux et les profits futurs, aussi bien que distinguer, dans le capitalisme complètement globalisé, le capital financier de celui-là bancaire ou industriel, dont il est le couronnement et la symbiose.    

 

 Un développement à trois propergols     

Laissons tomber, donc, la futile opposition entre la finance « bonne » et la finance « mauvaise ». Si l’on veut aller à la racine de la crise financière en cours, il s’agit, en tout cas, d'expliquer d'où vienne l'explosion des activités financières qui s’est produite entre 1980 et 2005, quand, au moins dans l'estime de l'institut McKinsey, le rapport entre l’activité financière globale et la production brute globale a augmenté de 109%  à  316%.     

Selon M. Wolf, rédacteur en chef du Financial Times, cela a été l’effet de la libéralisation des activités financières et de la révolution informatique; il y aurait donc peu de rapport avec l'économie réelle. Selon nous, par contre, à la base de la croissance si impétueuse de la masse des capitaux liquides et de leurs mouvements tourbillonnants à l'échelle mondiale, soit réels que fictifs, il a y eu d'abord un grand accroissement de la production réelle, de la production de valeur et de plus-value. Nous ne nous référons pas seulement à la période 2003-2007, pendant laquelle cette production a grandi presque d’un tiers, ce qui est la plus grande reprise économique absolue de tout l'après-guerre. Nous nous référons aux derniers 25 ans. Pendant lesquels le marché du travail mondial a quasiment doublé, en permettant aux entreprises d’exploiter la plus grande masse de travail jamais « mise à l'œuvre » par le capital dans son histoire pluri-centenaire. Dans cette période la production industrielle et agricole mondiale a plus que doublé. Soit les pays de nouvelle indépendance, soit les pays de l’ex champ du « socialisme réel » en ont été intégrés et ils se sont intégrés pleinement dans le marché mondial « unifié », avec succès ou ruine. Un tel agrandissement du marché mondial a été au même temps la cause et l’effet d'une relance de l'accumulation capitaliste à grande échelle, qui a procédé à rythme très soutenu, surtout dans la dernière décennie, dans une grande partie de l'Asie, en Russie, dans les autres pays grands exportateurs de pétrole et, avec plus que quelque trouble, dans le coeur euro-américain de l'Occident (une discordance qui nous a malheureusement conduit a comprendre tardivement les événements économiques mondiaux, à cause d'une objective, involontaire, même contre-volontaire mais non moins vraie, limite euro- centrique de notre point d'observation). 

Cette relance d’accumulation a eu trois propergols.  

  Le premier a été l'introduction d'un ensemble d'innovations technologiques (et organisationnelle, comme la diffusion du toyotisme et de la « lean production »), qui ont augmenté la productivité du travail, abattu les coûts du transport intercontinental des marchandises (avec les grands TIR, les containers et les navires porte-containers, la restructuration des ports, la mise en place du just en time), et ont fait devenir l'échange d’informations plus rapide et intégré à tel point qu’ils ont rendu possible, pour la première fois dans l'histoire, une usine aux compartiments disséminés sur la planète. Les estimations de la productivité du travail sont controversées; les accroissements ont été généralement différenciés, évidemment bien plus réduits où la productivité du travail est déjà élevée; mais il est hors discussion que, surtout dans les derniers dix-quinze ans, dans les pays de l'Europe de l'Est, dans l'Asie orientale, sud-oriental et méridional, en quelques zones de l’Amérique du Sud et de l'Afrique au sud du Sahara, les zones où elle maintenant se concentre, la productivité du travail est montée à rythmes soutenus, si non exceptionnels (en Chine + 187 % entre 1998 et 2004), même à la suite  de massifs investissements productifs.    

 Le deuxième propergol a été l'acheminement d'une masse croissante d'investissements directs à l'étranger (IDE) vers quelques pays du Sud du monde, surtout asiatiques, selon Litvin passés de 20 milliards de dollars totales annuels à la fin des années '80 à 200 milliards environ à la fin des années '90. Dans ces zones ils ont mis les mains sur une armée de centaines de millions de travailleurs avec des salaires très bas, nettement dessous le salaire moyen mondial, une vraie poule aux oeufs d'or. Premièrement dans la Chine. Dans ce pays les IDE ont fait un bond de 6-7 milliards de dollars des premières années '90 à 60 milliards de dollars de 2006. Une décentralisation formidable de la production industrielle occidentale et mondiale s’est encore produite vers l'Est et vers quelques zones du Sud du monde, et à travers une telle décentralisation les coûts de production ont été abattus dans l'industrie, en agriculture et aussi dans les « services », en incluant la recherche technologique de grandes entreprises comme Microsoft ou Ibm. Un résultat auquel ont récemment assez contribué les dizaines de millions de travailleurs « de couleur » immigrés aux États-Unis et en Europe, dont la concurrence (objective) sur le marché du travail occidental a bien fonctionnée comme frein de salaires.    

Le troisième propergol a été l'endettement exponentiel qui a caractérisé l'ensemble des états, malgré la contraction presque universelle des dépenses sociales. En trente ans le degré d'endettement des états par rapport au produit brut a doublé - un autre fardeau énorme sur  la classe travailleuse. Les premiers ont été les grands prêteurs d'argent d'un temps: les États-Unis. Aussi parce que à l'endettement colossal de l’état fédéral vers l'étranger et l'intérieur, s'est ajouté l'endettement des familles (en 2007 le record historique: une dette moyenne pour ménage de 130% du revenu, en 1995 il était 89%), celui des entreprises industrielles et financières, celui des états fédérés et finalement des administrations locales, pour un endettement total évalué aujourd’hui  400% du produit intérieur brut.

Ces premiers deux éléments ont incorporé dans la plus grande production planétaire une masse de profits augmentée encore plus rapidement que la production. Le troisième a garanti, en dernière instance, sa réalisation, en offrant un marché de vente à la quantité de biens instrumentaux et de consommation vomie par le volcan de la production mondialisée. La continuité de relance de l'accumulation commencée dans la deuxième moitié des ans ‘80 a dépendu, donc, d'un côté de la possibilité de maintenir bas indéfiniment les coûts de production, par le faible coût de la force-travaille, de l'autre de la possibilité de contrôler le procès d'endettement général.   

 

Le double rôle de la finance (vieille et nouvelle)      

  La "révolution" financière de cette période a essayé de remplir un rôle de guide, de régie mondiale du processus d'accumulation de capital (pour sa nature, de toute façon, absolument anarchiste), en faisant avancer continuellement la limite au-delà de laquelle il ne peut que se produire une nouvelle, gigantesque crise de surproduction. Comment a fait-elle cela? En augmentant en général l'efficacité du capital dans l'exploitation du travail à l'échelle mondiale, à travers des fusions et concentrations de sociétés, dont la dimension est sans précédents. En intensifiant la concurrence entre les travailleurs du Nord et du Sud du monde, et dans ces deux mondes, par les déplacements de capitaux et d’implantations de plus en plus rapides. En imposant à tous les "acteurs économiques", privés et publiques, y inclus les plus rétifs, la tyrannie des marchés (même, si nécessaire, à travers des embargos et des guerres). En pressant sur les salariés pour qu'ils augmentaient leurs dettes, en leur assurant l’accès au crédit (initialement) facile, et en les contraignant, en « échange », à travailler davantage et plus intensément. En diffusant l'idéologie libérale d’une façon ample et obsessive qui n'a pas de précédents dans l'histoire du capitalisme et en influençant en un sens commercial, à travers cette propagation d'OGM mentaux à haute toxicité, le comportement de millions et millions d’ « individus », soit dans les postes de travail soit dans leur « propension » à la consommation.    

 A cet égard, M. Wolf a parfaitement raison quand il se lance dans l'éloge de la « finance sans liens » des derniers trois décennies, et qu’il le reconnaît d'avoir donné à l'économie globale une nouvelle forme beaucoup plus avantageuse pour le monde des affaires de celle-là précédente, qu’il identifie avec un « capitalisme des managers  compliqué, lent, peu profitable.  « Contrairement aux dirigeants d'un temps », écrit-il, « les investisseurs financiers éveillés identifient rapidement et attachent les aires de manque d'efficacité [rentabilité insuffisante - n.]; ils améliorent par là l'efficacité du capital partout; ils imposent les règles du marché au management des entreprises; ils financent de nouvelles activités et ils mettent les vieilles activités non efficaces dans les mains de qui est apte à les exploiter mieux; ils créent une plus grande capacité globale d'affronter les risques [du marché]; ils renversent leur capital en n’importe quel coins du monde, là où il rapportera d’avantage; et par là ils confèrent aux gens communs la capacité de gouverner les propres finances avec un grand succès ». Sauf cette dernière assertion, manifestement fausse, le reste est vrai, ou mieux absolument vrai. Le « nouveau capitalisme financier » a augmenté, et beaucoup, l'efficacité du capital dans l'exploitation du travail à l'échelle mondiale et a déterminé « en tout le monde un glissement considérable de richesse du travail au capital », ainsi considérable que M. De Cecco l’a défini « une contre-révolution globale ». Tout ceci est moins nouveau qu'on puisse croire, parce que déjà dans les vingt ans qui précédèrent la première guerre mondiale, entre la fin de 800 et le début de 900, il y eu une transformation semblable. Aucun doute cependant, que ce second élan du capital financier est plus profond et plus ample, entièrement et réellement mondialisé. Et aucun doute quant à l'intensité de ses conséquences sur le procès de production du capital.   

 Et pourtant… ce « triomphe retentissant du financier sur le producteur, du spéculateur sur le dirigeant », de l'« intermédiaire financier » et de l'actionnaire sur les dirigeants d'entreprise, du capital sur le travail, a eu aussi son revers, et on commence à le voir à l'oeil nu. Parce qu'à mesure que cette nouvelle globalisation du capital financier marquait des résultats même politiques exaltants - l’écroulement complet du « socialisme réel », la stabilisation et l'ouverture croissante du « socialisme de marché » de Deng Tsiao Ping aux capitaux occidentaux, la généralisation des politiques libéristes aux partis et aux gouvernements de « gauche » - les vieilles et les nouvelles institutions de la finance internationale ont commencé à parier sur leur avenir et sur l'avenir du capitalisme, avec une euphorie progressive insoutenable, en produisant et en échangeant une pléthore démesurée de titres juridiques de propriété sur le travail, sur la plus-value, des générations futures du prolétariat mondial. Et ils ont engendré par là des mouvements spéculatifs croissants, des bulles financières multiples, car sur le marché mondial ont été furieusement échangées de plus en plus non pas des masses de profits réels mais des montagnes d'expectatives de profits futurs et, de suite, même de dettes présentes (socialisées).     

    Ce qui a gonflé les voiles des vieux et nouveaux corsaires de la finance mondiale, au point qu’ils ont crû à leur invulnérabilité, jusqu’à un moment donné, a été aussi la relative facilité avec laquelle les crises financières récurrentes ont été circonscrites et réabsorbées, au moins extérieurement A partir de la crise de la dette mexicaine en 1982, et puis la chute de Wall Street en 1987, la faillite de plus que mille Savings and Loan entre les années '80 et les années '90, la chute en Bourse des titres de la soi-disant "New Economy" en 2001, pour se taire des crises du système monétaire européen en 1992, du thaï indonésien en 1997, du rouble russe en 1998 et encore. Si même le chef d'un parti « communiste » comme Deng proclamait sans pudeur que « s’enrichir est glorieux », on ne pouvait pas prétendre de mettre des limites à la créativité des inventeurs de futures, à la générosité (d'usuriers) de ceux qui octroyaient des sub-primes, à l'ingéniosité des producteurs de « paquets d'actions et d’obligations » de plus en plus complexes et indéchiffrables, aux vertueux des fonds hors de balance, aux « génies » des modèles mathématiques d'investissement automatisés, aux fripons contrôleurs des sociétés de rating, incarnations magnifiques des esprits animaux du capital, de son envie cannibale d'abattre n’importe quel obstacle s'interposant à sa valorisation illimitée.   

 

Une limite a été touchée! 

Sur ces bases, qui sont au fond les « bases », c'est-à-dire le lois de fonctionnement du capitalisme de tous temps, il était inévitable d’arriver à la folie du capital qui s’auto-engendre lui même, qui se valorise et se multiplie tout seul  si on le laisse libre de faire ce qu'il veut et sait faire, sans passer à travers la fatigue (d'autrui) de la production. Cette folie a été expérimenté juste dans les derniers ans, et c'est le produit soit des profits, effectivement considérables mis en sûreté dans les coffres-forts capitalistes, soit de la perception de se trouver devant à des obstacles de plus en plus difficiles à dépasser. Marx a expliqué sans cesse, et la réalité le confirme, que le cycle de l'accumulation du capital arrive toujours à un point où même le capital tâche de forcer artificiellement les difficultés qu’il rencontre dans sa valorisations par le biais du crédit. Cette action a été presque permanente, dans le vingt-cinq ans dont nous parlons, en particulier aux Etats Unis, mais à ce prix, d'augmenter les risques d'un écroulement général un pas après l’autre et, d'autre part, sans pouvoir reporter en équilibre la capacité de production, énormément développée, et la capacité de consommation, toujours limitée dans la société, à partir des salariés.

  Et comme ça, à un moment donné, le mécanisme a commencé à se bloquer avec l'épuisement d'un de ses principaux carburants: la dé-valorisation progressive de la main-d'oeuvre mondialisé.    

Aux Etats Unis, depuis quelques années, les travailleurs ont commencé à avoir des difficulté à soutenir l'allongement et l'alourdissement des horaires de travail acceptés dans les vingt-cinq ans précédents. Là-bas, dans le pays « qui est (ou était?) sur la colline » à montrer aux gens les miracles du capitalisme anglo-saxon, entre 1973 et 2006 la productivité du travail a augmenté de 83%, mais le salaire hebdomadaire réel reste encore aujourd'hui inférieur, selon les calculs rigoureux, à celui-là de 1973, alors que selon d’autres calculs plus concessifs, il s’est accru (au maximum) de 13%, de sorte qu'en 2006-2007 dans la moyenne des familles américaines le taux d'épargne est devenu négatif (imaginez en celles-là des noirs, des chicanos, des femmes seules avec des fils…). Et une tendance analogue est en train de se produire dans la « différente » et « plus équitable » Europe, avec le phénomène de plus en plus vaste des ménages (non seulement prolétariens), qui ont du mal à arriver à la fin du mois. En Italie, pour ne donner qu’un exemple, dans les derniers ans la croissance de la productivité du travail a été approprié par les profits dans la mesure de 87%, et seulement le misérable restant de 13% par les salaires, devenu entre temps les plus bas de l'Europe. À cet appauvrissement relatif (et même absolu dans nombre de secteurs de classe), même les prolétaires Européens ont essayés de faire front en augmentant les charges de travail personnel et familier et un endettement grandissant. Selon Bankitalia les dettes moyennes des familles, dans la décennie 1995-2005, ont monté en Grande-Bretagne de 96% à 148 (un record historien), en Espagne (voilà un élément non secondaire du "miracle espagnol") de 46%  à 112%, en Italie de 25% à 43%, en France de 53% à 66%, en Allemagne de 86% à 100%. Dans cette période des emprunts même à cent ans ont paru sur le marché du crédit, toujours pour l’achat de la maison: les banques se sont attribuées par là un droit à l'expropriation du travail « assuré » pour quatre générations!  

Mais, comme la crise des crédits l’a souligné, et non seulement aux États-Unis (voir la débâcle de Northern Rock en Grande-Bretagne et les pertes sèches de grandes banques européennes, à commencer de l'Ubs), il y a une limite au-delà de laquelle l'hypothèque sur les salaires devient matériellement insoutenable pour les travailleurs, pour quelques sacrifices qu’ils fassent. Aux États-Unis, le centre mondial de cet endettement général, cette limite a été atteinte dans l’été de 2007. Au moins, qu’on le sache, pour trois millions de familles. Et depuis lors la course effrénée au profit du capitalisme financier global a ouvert un cycle d’insolvabilité, peut-être d'importance historique.

Possible que tout ce pandémonium se soit formé pour une bagatelle pareille? D’ailleurs, lit-on, les pertes financières évaluées à présent (fin mars 2008), ne dépasseraient pas 500 milliards de dollars face à une richesse financière globale estimée de 160.000 milliards de dollars en 2006, soit moins que 0,3%. Possible? Possible, parce que ces trois millions de familles ne représentent que la pointe de l'iceberg: leur déclaration privée de défault rend manifeste aux yeux du monde que le «  rêve américain » est fini pour une masse grandissante d'américains « communs ». Possible, ou mieux réel, parce que en même temps un autre rêve (ou cauchemar, selon les points de vue) est en train de finir en d’autres coins du globe: l'exploitation sans fin des prolétaires asiatiques, est-européens et latino-américains, dont la productivité se rapproche de celle occidentale et les salaires sont sous le niveau de survivance (à peu près). En effet dans les dernières années en Chine, en Amérique Latine, dans l'Est Europe les salaires se sont stabilisés ou ont commencé à augmenter, avec la conséquence d'interrompre la diminution du prix des biens de large consommation importés dans les États- Unis et l'effet de bloquer, enfin, la tendance à la baisse des coûts de production à l’échelle mondiale.

On ne peut pas se passer d'ajouter, ensuite - patience si l’on nous traitera de "filo-islamistes", d’ailleurs même Stiglitz l'a relevé - que la résistance des Iraquiens et des Afghanis a donné une contribution déterminante à ce que  la crise financière touchât un point de non retour, comme elle a élevé les coûts matériels de la guerre pour l’Etat yankee à des niveaux stratosphériques (3.000 milliards de dollars); dans cette manière elle a réduit, à présent et pour l'avenir, la possibilité des agences bancaires et des nouveaux intermédiaires financiers de continuer à distribuer des crédits faciles, (pour ainsi dire), aux particuliers ultra-endettés à la recherche d’une ceinture de sauvetage à laquelle s'accrocher.   

Encore une fois c’est l'économie réelle, ce sont les rapport sociaux antagoniques, le vrai, le dernier ballon d'essai de cette « énorme bulle de savon de capital monétaire nominal », qui s’est créée au cours des orgies capitalistes de fin et début siècle. Encore une fois le magicien n'a pas réussi à dominer les puissances de l’enfer par lui-même évoquées. Et le résultat de cet impact est certain: la crise est destiné à se dégonfler ou à exploser, car l'écart entre les pures expectatives de profit et les profits réellement réalisables est devenu trop grand.

 

Et maintenant, sera-t-il possible de gérer la crise? 

Et maintenant?  

Nous assistons à la tentative multilatérale de gouverner la crise. Cette tentative est en oeuvre depuis un an environ et se présente compliquée. Même parce que la crise bancaire amorcée par les crédits sub-prime s'ajoute et se combine avec d’autres deux facteurs vivement déstabilisants: la chute sans fin du dollar et la croissance aussi infinie du prix du pétrole et d'autres matières premières (parmi lesquelles les matières premières agricoles).

Le déclin du dollar a deux aspects: il reflète fidèlement le déclin de la suprématie américaine dans la production de marchandises, mais il est au même temps une arme anti-déclin que Washington est en train d'utiliser comme un bâton de base-ball pour casser les dents aux Européens "amis et concourants » tout en passant graduellement aux souscripteurs de sa dette le maxi-bidon du "biggest défaut en history", la plus gigantesque insolvabilité (ou duperie), dans l'histoire du capitalisme. Pas moins déséquilibrant est l'accumulation de montagnes de profits et de rente dans les mains des pays producteurs de pétrole et de gaz qui, peuvent certainement alimenter le processus d'accumulation avec cet océan de liquidité en élargissant ses propres marchés intérieurs, en investissant de façon productive ou tamponnant, dans l'intérêt de tous, les premières grosses fentes du système financier. Mais ils ne veulent pas et ne peuvent pas le faire gratuitement (voir la manière où se comportent les fonds souverains arabes), comme il arriva au temps des pétrodollars. Et ils ne peuvent pas le continuer sans créer l'accroissement inévitable des coûts de production et de difficultés croissantes à la Chine, à l'Inde et aux autres pays en développement qui désormais traînent (provisoirement) l'accumulation mondiale.    

Néanmoins, et justement à cause de ces ultérieurs risques de système, la tentative de gouverner la crise est en œuvre. Les Etats Unis d’abord et les autres états occidentaux y s’engagent avec une série d'exercices de funambule. Faire sortir de scène les entreprises financières en débâcle. Faire émerger un pool de géants bancaires et financiers assainis, aptes à traîner la continuation de l'accumulation et de piloter une autre centralisation du capital industriel. Associer les fonds des pays exportateurs de pétrole et de la Chine dans cette opération de nettoyage-sauvetage, de sorte qu’ils soient responsabilisés dans la gestion de l'économie mondiale. Défendre la quote-part de marché de leurs multinationaux par les barrières protectionnistes. Tout cela pour atténuer les dommages, les décharger sur les « poissons » les plus petits, reprendre haleine et se préparer à appliquer le vrai soin « décisif » qu’ils ont à l’esprit. Un soin qui se base sur trois médicaments très amers pour les prolétaires: une nouvelle, forte dévalorisation de la force-travaille mondiale; une nouvelle, très vaste expropriation des paysans des campagnes de l'Amérique Latine, de l'Afrique et de l'Asie pour donner force à cette dévalorisation et incorporer davantage les campagnes des continents de couleur dans le processus d'accumulation; la soumission à la domination totale de l'ouest du développement capitaliste de la Chine et des pays, Iran, Venezuela et Russie, qui y sont associés.

A droite et à gauche, nombre de personnes voient cette crise, par contre, comme une grande opportunité « en positif » pour la ré-dislocation paisible du « centre » de l'économie mondiale de plus en plus vers l'Orient, pour une « péréquation des rapports de pouvoir entre Nord et Sud du monde », et finalement pour une plus grande péréquation entre classes propriétaires et classes travailleuses à l’intérieur de chaque état. L’échec de la globalisation néo-libériste, donc, comme grande occasion pour relancer un nouveau keynesisme et un vrai multi-polarisme, les deux meilleurs facteurs de stabilisation, même pour les Samir Amin et les Arrighi, d'une économie mondiale qui serait, à ce point-là, seulement en partie capitaliste. Or, maintenant, certes, une tendance à la réduction des déséquilibres de force entre Usa et Chine est en oeuvre. Mais comment ne pas voir que les Etats Unis ont déjà mis en route des contre-mesures par la politique de la « guerre infinie », les premières mesures protectionnistes, les flatteries diplomatique-militaires vers l'Inde, le Japon, le Vietnam, la Russie, par la socialisation mondiale des risques et des pertes de l'Amérique s.p.a.? Comment ne pas voir que les élites dirigeants des deux continents en déclin, le Nord Amérique et l’Europe occidentale, sont en train de se reconnaitre de plus en plus dans la nécessité d'une grande unité nationale, finalisée à un seul objectif: celui de relancer la compétitivité de leurs nations contre les autres, coûts ce que coûts? et comme se fait-il à ne pas voir que la patience de gourou des hauts dirigeants ultra-bourgeois de Pékin n’est due qu’au calcul (très) réaliste de l’avantage de prendre du temps, comme le temps va jouer entièrement pour la Chine et contre les Etats-Unis? La Chine, n’est-elle en train de s’acheminer vers le réarmement? 

Pour l’instant pas même les puissances occidentales impérialistes sont prêtes à s’affronter, retenues par deux exigences opposées. D'une part, elles doivent frapper violemment les classes travailleuses  internes. D’autre part, elles ont besoin de leur « consentement » et mobilisation pour défendre et élargir leur quote-part de force-travaille exploitée en Asie, en Amérique Latine et en Afrique, un but à poursuivre même au plan militaire, dans les guerres encore ouvertes et celles-là à ouvrir. Comment est-il possible la cadrature d’un cercle semblable? Les programmes des candidats aux élections présidentielles aux Etats Unis, Mc Cain, Hillary Clinton et Obama révèlent la carte que l’impérialisme s'apprête à jouer: canaliser le mécontentement des travailleurs occidentaux dans une perspective anti-Chinoise et anti-islamiste et leur promettre que par l’écrasement de l'axe islamiste-confucianiste, si un axe du genre se constitue, on pourra au moins réduire de nouveau le recul des conditions de vie et de travail que le capitalisme en crise (et quelle crise) réserve au prolétariat. La préparation de cette opération gigantesque d’encadrement et blindage des sociétés occidentales est la contre-mesure fondamentale que les sommets des états occidentaux, de la Federal Reserve, de la Bce et de tout le gotha du capitalisme mondial sont en train de mettre en place.

 

Notre pronostic 

 Pour nous, donc, il y n'aura pas de « péréquation paisible de richesse et de revenus » entre Nord et Sud du monde, entre Ouest et Est, entre exploiteurs et exploités. Il y aura, au contraire, une intensification immédiate de la concurrence inter-impérialiste et inter-capitaliste, et des tendances vers la guerre généralisée pour le partage du marché global, non pas dans l’immédiat, mais qui va se rapprocher. Il y aura un approfondissement « inimaginable » des antagonismes de classe et de la lutte de classe.   

Le prolétariat mondial est encore moins prêt que la bourgeoisie à un scénario pareil. Mais, qu’il veille ou non, il devra l'affronter, il saura le faire. La nôtre n'est pas une armée de fantômes, elle a ses grandes traditions, l'expérience ni la théorie ne lui manque. Au moment il est désorganisé mais le tremblement de terre économique, social, politique que la crise des crédits annonce pourra et devra constituer pour lui le point de départ de sa renaissance, d'un nouveau mouvement prolétarien révolutionnaire, qui renaît de ses cendres comme le phénix.  

Pour lui préparer le terrain, une avant-garde digne de ce nom doit oser, oser, et encore oser défier l'esprit des temps en remettant en marche et en portant jusqu’au bout la critique marxiste du capitalisme. Elle doit oser, oser et encore oser affirmer et motiver devant la masse des exploités de chaque couleur qu'il y a une seule solution, une seule voie de sortie: la révolution sociale, le socialisme international.  

   Que Fare n.69 avril - mai 2008

3 febbraio 2009

ORGANIZZAZIONE COMUNISTA INTERNAZIONALISTA

 


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